Pour une politique ambitieuse d'éducation populaire (01/02/2012)
Après la soirée-débat qui a réuni 300 personnes, ce mardi 31 janvier, dans une salle de l’Assemblée Nationale, débat dans lequel j'intervenais, avec Marie-Christine Blandin, Marie-George Buffet et Annick Girardin et que nous avions organisé en partenariat avec le Cercle de l’Éducation populaire*, je vous propose la lecture de la tribune que je publie à cette occasion avec Annick Girardin, députée PRG de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La situation l’impose, il faut se réengager dans une politique ambitieuse d’éducation populaire. Notre société est en profonde mutation. Cela se traduit par une crise économique, financière et sociale. Mais cette mutation s’accompagne aussi d’un déficit éducatif, culturel, démocratique, citoyen. Les illettrismes, les dépendances, les aliénations d’aujourd’hui ne sont certes plus celles d’hier, mais une politique d’émancipation individuelle et collective demeure indispensable et d’actualité.
Comprendre pour agir et non plus subir
Chaque jour nos médias préférés d’information nous parle du CAC 40, de l’État des marchés, des fluctuations boursières… de quoi parlent-ils réellement ? Qui comprend ? Ce sont pourtant ces évolutions chiffrées qui orienteront les décisions de la gouvernance économique mondiale et s’imposeront aux décideurs de chaque état.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, des républicains, convaincus que la citoyenneté ne pouvait s’exercer que par le libre arbitre, ont développé l’éducation populaire. Il s’agissait alors de permettre à chacun de se faire sa propre opinion en faisant preuve d’esprit critique. Pour cela, l’apprentissage pour tous de la lecture, de l’écriture, du calcul, devenait indispensable. L’Ecole publique, pour le développement de laquelle ils militaient, se chargerait de cet enseignement premier pour les enfants. Mais dans la logique des idées de Condorcet, ils étaient persuadés qu’il faudrait le compléter par d’autres approches, d’autres temps, d’autres méthodes et proposer une éducation «tout au long de la vie», «permanente»…
Cette même exigence est indispensable aujourd’hui. Si l’Ecole a réussi une forte élévation du niveau et des connaissances, il demeure que de nombreux savoirs, savoir-faire et savoir-être sont à découvrir en permanence. Le citoyen ne peut être que récepteur, il doit aussi être acteur, auteur de cette éducation. Au travers de projets, d’approches sensibles, de formes variées d’expression… toujours dans une démarche collective, participative, active, l’éducation populaire propose cette éducation citoyenne qui permet à chacun de mieux connaître et comprendre le monde qui l’entoure afin de pouvoir agir sur la transformation de la société.
En effet, comment agir pour plus de solidarité, d’humanisme, de solidarité ? Sans connaître et comprendre, on ne peut que subir. N’est-ce pas la triste réalité de notre monde actuel dans lequel trop souvent l’économie dicte sa loi, l’individualisme l’emporte sur le vivre ensemble, le communautarisme sur le «faire société» !
Garantir l’engagement associatif
Depuis les origines des premières structures d’éducation populaire, c’est le regroupement libre de femmes et d’hommes décidés à agir qui fut la forme privilégiée : celle des associations. Aujourd’hui encore, les mouvements et associations** assurent la présence et la diffusion de la démarche d’éducation populaire sur l’ensemble du territoire et au plus près des citoyens. Or le tissu associatif est en danger. L’économie néolibérale les considère comme des entreprises et refuse de prendre en considération leur spécificité, leurs apports démocratiques et leur rôle de pilier de notre République. Appels à projet, appels d’offre, marchés publics sont autant de mise en concurrence qui les affaiblissent et rendent incertain leur avenir.
Il est indispensable de reconnaître le rôle du monde associatif dans l’éducation populaire, de lui permettre de continuer son action et son projet associatif dans la sécurité et la durée des financements.
Affirmer la mission de service public
Pour cela il faut réaffirmer que, s’inscrivant dans un projet global d’éducation de toutes et tous tout au long de la vie, une politique d’éducation populaire relève d’une mission de service public. À ce titre, elle doit être portée par l’État, les collectivités territoriales et les associations dans une clarification de la place et du rôle de chacun.
L’État doit maintenir et renforcer son implication par la réaffirmation d’un département ministériel et de services déconcentrés dédiés. La situation actuelle est insensée, personne ne peut s’y retrouver entre un secrétariat d’État rattaché au ministère de l’éducation nationale, des personnels gérés par celui de la santé et des directions départementales sous l’autorité des préfets qui mêlent sports, jeunesse, action sociale, éducation populaire, solidarité, droit des femmes, voire service vétérinaire…
La mission d’éducation doit être effective et si le secteur ne peut bénéficier –vu son trop faible effectif- d’un périmètre autonome, il faut lui donner toute sa place dans un grand ministère de l’Éducation au sens large (scolaire et hors scolaire… pouvant aller jusqu’à la culture…)
Les collectivités territoriales doivent également se voir doter de compétences, de pouvoir et de moyens afin de développer pour tous et partout cette éducation citoyenne, sans que cela relève de la seule volonté ou possibilité des élus. Dans ce domaine, la clause de compétence générale doit certainement demeurer afin que les niveaux locaux, départementaux et régionaux puissent être complémentaires.
Parce que les questions de «vivre ensemble» et de «faire société» sont au cœur du renouveau social, culturel et démocratique dont la France a aujourd’hui besoin, il est temps de s’engager dans l’élaboration et la réalisation d’une politique ambitieuse d’éducation populaire qui associe tous ses acteurs : les associations, les collectivités territoriales et l’État, mais aussi ses millions de militants, de bénévoles et de bénéficiaires : c'est-à-dire chacun d’entre nous !
*http://educpop.net
**la Ligue de l’enseignement (avec notamment le réseau des amicales laïques), les CEMEA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives), les FRANCAS, la Fédération Nationale des Foyers Ruraux (FNFR), la Fondation Léo-Lagrange, les MJC (Maison de la Jeunesse et de la Culture), les Centres Sociaux, les Éclaireuses et Éclaireurs de France, l’association Peuple et Culture, la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), les MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne), l'UFCV (Union Française des Centres de Vacances)...
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