Pour une Europe respectueuse de ses travailleurs (11/12/2013)
Liberté* constituante du marché commun mis en place en 1957 par le Traité de Rome, la libre circulation des travailleurs fait partie de l’ADN européen. Par la suite, plusieurs textes sont venus préciser ce principe fondateur, comme la directive de 1996 qui a créé la notion de «travailleurs détachés».
Presque dix ans plus tard, alors qu’1,5 million d’Européens sont sous ce statut, les ministres du Travail des 28 pays de l’Union se sont réunis le 9 décembre dernier afin de mieux prévenir les dérives observées.
En effet, au départ, l’objectif de la directive était de reconnaître un mouvement indispensable à l’économie réelle, tout en s’assurant qu’un minimum de règles sociales soient respectées. Ainsi, une entreprise pouvait «détacher» des salariés dans un autre pays de l'UE pendant deux ans maximum, à condition d'appliquer certaines règles du pays d'accueil (salaires, conditions de travail) tout en versant les cotisations sociales dans le pays d'origine.
Or aujourd’hui, on assiste à un détournement de ce texte avec des conséquences déplorables tant pour les conditions de travail des salariés concernés que pour l’économie européenne: optimisation sociale, émergence d’un marché de travailleurs «low-cost», pression à la baisse sur les salaires…
Avec environ 350000 travailleurs détachés (135000 Français qui travaillent dans d’autres pays et 170000 «accueillis» sur son territoire), l’hexagone est particulièrement confronté à cette situation. D’où la position ferme exprimée par B. Hamon et M. Sapin pour obtenir la révision de cette directive : «Nous ne voulons pas laisser la concurrence déloyale s'installer et précariser les systèmes sociaux des pays avancés». Ce volontarisme a payé, puisqu’ils ont réussi à convaincre leurs partenaires européens de se rallier à eux, en particulier sur deux points.
D’une part, la responsabilisation des entreprises donneuses d’ordre dans le secteur du BTP qui, en France, emploie 44,1% des travailleurs détachés. Concrètement, ces dernières devront vérifier les pratiques de leurs sous-traitants et, en cas d’abus, seront considérées comme tout aussi responsables que les entreprises fautives. Cette décision est à rapprocher de la proposition de loi déposée par les députés socialistes début novembre sur le devoir de vigilance des sociétés mères.
D’autre part, chaque gouvernement restera libre de choisir les documents qui pourront être réclamés à une entreprise détachant des travailleurs pour limiter les fraudes alors que certains pays, la Grande Bretagne entre autres, plaidaient pour une liste commune.
Cet accord permettra également de faciliter la coopération et l’échange d’informations entre les États: une définition commune des travailleurs détachés devrait voir le jour dans tous les pays et sortir ainsi du flou juridique actuel. Les accords bilatéraux seront aussi encouragés.
L’adoption de la directive révisée doit encore passer par plusieurs étapes, ce qui devrait prendre quelques mois. Mais la majorité gouvernementale n’a pas attendu pour agir: fin novembre, Michel Sapin a présenté son plan de lutte contre le travail illégal et le détachement abusif. Une intensification des contrôles de l’inspection du travail et des autres services compétents de l’État est prévue, tout comme la création d’une liste noire des entreprises condamnées pour travail illégal ou encore le renforcement des sanctions financières et pénales contre ceux qui ne respectent pas les règles.
Dès son arrivée au pouvoir, François Hollande a défendu une Europe plus juste, plus sociale, au service de ses citoyens pour que ceux-ci retrouvent confiance en elle. L’accord trouvé aujourd’hui par l’ensemble des Ministres du travail de l’Union montre que ce choix était le bon.
*Les trois autres libertés constituantes sont : la libre circulation des marchandises, la libre circulation des personnes, et enfin la libre circulation des services et des capitaux.
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Commentaires
Je trouve que le fait d'être "détaché", loin de sa patrie, constitue déjà une condition difficile pour les travailleurs détaché. Ils méritent de ce fait beaucoup plus d'avantages que les travailleurs non détaché. Je trouve donc cette révision plus juste envers eux.
Écrit par : Vanessa | 14/12/2013