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Projet de loi El Khomri : inacceptable en l’état (26/02/2016)

Le Code du Travail est illisible pour les salariés et les employeurs.

Ce pavé de 3800 articles, divisé en trois catégories (Lois, Décrets et Règlements) et d’une multitude de jurisprudences, ne cesse de grossir d’année en année. Il est le casse-tête des principaux concernés qui ne s’y retrouvent plus et en oublient les grands principes.

CodeTravail.JPGOui, il est nécessaire de réformer le Code et de rappeler les grands principes «clés de voute» de notre Droit du Travail. C’est cette mission qui avait été confiée au comité Badinter qui a remis ses conclusions le 25 janvier dernier. Une commission de refondation du Code du Travail devait prendre le relais pour proposer des dispositions s’inscrivant dans le cadre des principes intangibles. Oui, il est nécessaire d’adapter le Code actuel aux réalités du monde du travail au plus près des solutions économiques des entreprises.

Il nous faut engager une véritable réforme intégrant l’évolution des conditions et des modalités d’exercice du travail, d’autant que cette évolution s’accélère avec l’utilisation des nouvelles technologies et l’arrivée d’une nouvelle génération de travailleurs.

Il nous faut appuyer le dialogue social dans l’entreprise en instituant l’accord d’entreprise comme le seul permettant d’adapter les règles pour sauver et créer des emplois. Les positions qui consistent à dire que la loi ne doit souffrir d’aucune dérogation ne tiennent pas à l’épreuve des réalités. Des accords de compétitivité ont créé des emplois. Ainsi, aux chantiers STX de Saint-Nazaire, l’accord aura permis de dégager les marges nécessaires qui manquaient à l’entreprise et de rassurer les armateurs. Aujourd’hui des centaines d’emplois ont été pérennisées avec des transformations de CDD en CDI. L’actualité nous montre aussi que les marges retrouvées de Peugeot Citroën, après la signature en 2013 d’un nouveau contrat social en contrepartie des suppressions d’emplois, ont permis de redresser l’entreprise. Chaque salarié reçoit une participation aux bénéfices qui aujourd’hui s’élève en moyenne à 2000 euros.

Mais dans l’avant-projet de loi tel qu’il nous est connu, d’un côté on renforce les accords et de l’autre on leur met des verrous. Ainsi, si les motifs de licenciements économiques sont davantage sécurisés et laissent moins de souplesse d’interprétation aux juges, si un salarié qui refuse de signer la modification de son contrat de travail suite à un accord dit «offensif» est licencié pour cause réelle et sérieuse et non plus pour motif économique, si les plafonds des indemnités prud’homales ne sont pas suffisamment dissuasifs en cas de licenciement abusif, quelle force donnons-nous aux syndicats pour négocier dans l’entreprise?

Le référendum décisif en cas d’accord minoritaire pose aussi question. La relation de travail n’est pas égalitaire. En effet, à la question posée, la réponse est induite par la menace à l’emploi. Les salariés sont malgré tout sous l’autorité de leur employeur et il faudra la puissance et l’indépendance des syndicats pour que l’expression des salariés soit libre et éclairée.

Il faut revenir à l'esprit de l'Accord National Interprofessionnel (ANI) qui avait permis une souplesse d'organisation par accord d’entreprise, et renforcer les organisations syndicales dans leur rôle de négociateur.

On ne peut ni accélérer, ni passer en force sur un texte aussi fondamental. La réforme doit être discutée avec les organisations syndicales pour rechercher les points de convergence, sans quoi elle est vouée à l'échec. Il faut renforcer la démocratie sociale qui est l'avenir de l'entreprise du 21è siècle.

Il y a dans cet avant-projet de loi des mesures de bon sens, acceptables et même nécessaires, comme le contenu donné au compte personnel d’activité. Mais il y a aussi des propositions inacceptables que le débat parlementaire devra écarter.

Envisager l'éventualité du 49-3 est par ailleurs une offense aux parlementaires à qui on passe le message qu'ils ont le choix entre la soumission et l'impuissance.

Le texte n'est pas acceptable en l'état. Au Gouvernement de se ressaisir, au risque de fracturer plus encore la gauche.

Depuis quatre ans, j'ai toujours privilégié le débat parlementaire et la solidarité avec le Gouvernement. Encore faut-il que nous soyons entendus par l'exécutif.

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