Soutien aux salariés en France de Goss International (31/03/2016)
Ce jeudi 30 mars, lors de la séance des questions orales sans débat*, j'ai interrogé le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sur l'avenir des salariés en France de Goss International.
Depuis 2009, j'ai rencontré à plusieurs reprises les représentants des salariés de l'entreprise, dont les locaux nantais occupaient à l'origine une partie du site des Batignolles, à Nantes.
Ainsi que je l’ai encore rappelé en janvier dernier aux ministres Emmanuel Macron et Myriam El Khomri, les salariés du groupe Goss doivent bénéficier, comme il se doit, d’un traitement de leur situation en toute justice et leur employeur doit être mis face à ses responsabilités, sociales et économiques. Je reste, bien sûr, vigilant sur l'évolution de cette situation.
Je vous invite à prendre connaissance, ci-dessous, du compte-rendu de mes échanges avec M. Jean-Jacques Urvoas et, en fin d'article de la vidéo correspondante.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Ménard, pour exposer sa question, n°1342, relative à la procédure de redressement judiciaire au sein du groupe Goss International France.
M. Michel Ménard. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, je souhaite appeler votre attention sur la situation des salariés de Goss international France, fabricant de rotatives. Le groupe américain Goss a en effet contraint sa filiale française à engager une procédure de redressement judiciaire et à solliciter sa reprise par la maison-mère, qui a créé, pour l’occasion, une filiale aux Pays-Bas: Goss International Europe.
Cette manœuvre visait, entre autres, à faire assumer le coût des licenciements par Goss France, qui n’en avait plus les moyens. La reprise par une maison-mère d’une entreprise de son groupe, au moyen de la liquidation, pratique jusque-là inédite, a été entérinée par le tribunal de commerce de Compiègne en juillet 2013, à la demande du ministère public, la précision est importante.
Les salariés, engagés dans les procédures en appel afin de faire respecter leurs droits quant à la reprise de leurs contrats de travail sur les deux sites de Nantes et de Chantilly, ont vu leurs droits reconnus par la cour d’appel de Douai. En décembre 2015, celle-ci a en effet annulé le jugement qui avait autorisé la reprise.
À compter de cette décision, les salariés se sont retrouvés sans employeur et ont dû batailler pour percevoir une indemnité correspondant à leur rémunération. Ils ne peuvent pour autant pas être licenciés et, même si la procédure est aujourd’hui en bonne voie, il leur est difficile, ainsi qu’à leurs familles, de se projeter sereinement dans l’avenir. Tant que cette situation n’est pas réglée, ils se trouvent dans l’impossibilité de s’inscrire en tant que demandeurs d’emploi et de bénéficier des droits afférents.
Je souhaite rappeler, à travers cet exemple, aussi inédit que regrettable et socialement coûteux, que l’État, sur ce type de dossiers, doit faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté.
Monsieur le garde des sceaux, quelle est votre position sur ce cas particulier? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre? Plus généralement, quelles sont ses intentions pour se prémunir contre d’éventuels nouveaux plans du même type?
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Monsieur le député, je vais vous dire, en droit, quelle est la situation.
Votre affirmation est juste : la société Goss International France, qui faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, a été reprise par sa société-mère, laquelle a créé, pour l’occasion, une société de droit néerlandais. Il ne s’agit malheureusement pas d’une pratique inédite puisque cette hypothèse est clairement prévue et encadrée par les textes applicables en la matière : une société-mère, qui agit comme un dirigeant de droit ou de fait à l’égard de la société-fille, ne peut présenter d’offre de reprise; en revanche, le tribunal peut autoriser la cession de l’entreprise à cette même personne morale à condition, d’une part, que le ministère public le requière et, d’autre part, que le jugement soit spécialement motivé.
Dans le cas qui nous intéresse, sachez que la société-mère était la seule à avoir déposé une offre de reprise. Il s’agissait d’une offre de reprise partielle, mais elle permettait de sauver 123 emplois sur les 426 que comptait l’entreprise. En l’absence de toute autre offre de reprise, le tribunal n’aurait eu d’autre choix que de prononcer la liquidation judiciaire pure et simple de la société, avec pour conséquence le licenciement de l’ensemble des 426 salariés. C’est la raison pour laquelle, comme vous l’indiquez, le parquet de Compiègne a soutenu cette unique offre de reprise.
La cour d’appel de Douai n’a pas annulé le jugement du tribunal de commerce de Compiègne autorisant cette cession en raison du fait que le repreneur était la société-mère, mais uniquement pour des questions procédurales. Il appartient désormais aux acteurs de la procédure, notamment au tribunal de commerce de Compiègne, de tirer l’ensemble des conséquences juridiques et procédurales attachées à cette annulation. Une requête a par ailleurs été déposée en ce sens par le procureur de la République de Compiègne.
Je partage, en revanche, vos observations sur la nécessité de se montrer extrêmement vigilant dans les cas de reprise d’une société-fille par sa société-mère, afin d’éviter tout risque de détournement. Soyez, enfin, certain que le ministère public, comme les juges, veillent, au quotidien, au respect des règles qui sont d’ordre public en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Ménard.
M. Michel Ménard. Au-delà des salariés de Goss France, ce sont tous ses créanciers –l’État au travers des cotisations sociales et patronales, comme les fournisseurs et les entreprises sous-traitantes– qui ont durement subi l’impact de cette situation, puisque la liquidation les a privés du règlement de leurs créances.
Je souhaite vivement que toutes les mesures soient prises afin qu’à l’avenir les entreprises multinationales qui se comportent de cette façon soient sévèrement condamnées. Dans le cas de Goss France, ce n’est pas la situation économique qui a conduit à sa disparition, mais le choix d’actionnaires uniquement guidés par des intérêts financiers.
J’avais alerté le ministre qui était alors chargé de l’économie sur le risque de voir très rapidement licenciés l’ensemble des salariés. Ils ne l’ont effectivement pas été en 2013 mais deux ans plus tard. On pourra me dire que l’échéance a été retardée mais on voit bien quel objectif poursuivait Goss international.
20160329 Question orale sans débat de Michel... par michelmenard
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