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Être solidaire pour être nous-même (29/09/2016)

Justes cérémonie.jpgDans la commune du Cellier, dimanche 25 septembre 2016, a eu lieu une cérémonie particulièrement émouvante.

Elle mérite d’être mise en perspective avec la situation que connaissent les réfugiés qui cherchent asile en Europe, notamment en France, et de l’utilisation populiste de ce drame humain.

En présence de Monique Ritter et de sa famille, l'institut Yad Vashem a remis la médaille des Justes parmi les Nations à Madame Yvette Guilbaud et, à titre posthume, à ses parents et à sa sœur, qui ont recueilli cette enfant juive durant l’occupation.

Voici le discours que j’ai prononcé à cette occasion :

«Cet acte d’héroïsme nous ramène aux heures sombres de notre Histoire quand, comme l’indiquait si justement Jacques Chirac lors de la commémoration de la rafle du Vel d’hiv en 1995, «la France accomplissait l’irréparable». Mais alors que le pays, sous l’autorité de fait d’un gouvernement dit «de l’État français», a fait le choix de prendre part aux desseins mortifères et racistes du régime nazi, des Français, à l’image de la famille Guilbaud, ont décidé de s’y opposer. Les valeurs d’altruisme, d’humanité et de solidarité qui animent votre famille vous ont naturellement conduits à accueillir une enfant, Monique Covrigaru, et par cet acte, à prendre d’énormes risques.

Ce qui frappe, c’est la grande humilité de votre famille, qui s’est installée au Cellier il y a près de 70 ans. Durant toutes ces années, vos parents, votre sœur et vous-même n’avez jamais mis en avant cet épisode de votre histoire familiale. Pourtant, alors que l’Humanité était plongée dans les ténèbres, vous mainteniez vivante la flamme de la dignité humaine. «Pour nous c’était normal» indiquiez-vous récemment à des journalistes. C’est là encore l’honneur de votre famille, qui a agi spontanément, en mettant une petite fille de 4 ans à l’abri des camps de la mort.

La remise aujourd’hui de cette haute distinction, témoigne au contraire de l’exceptionnalité de votre geste, qui vous hisse au rang de Justes parmi les Nations, au même titre que tous ceux qui ont contribué, là où ils le pouvaient, partout en Europe et dans le Monde, à recueillir, aider et à sauver des Juifs d’une mort certaine pendant la Guerre. Elle rend également honneur à vos parents, Théodule et Marie Guilbaud, ainsi que votre sœur Madeleine, pour lesquels vous recevez également cette reconnaissance de la part de la fondation Yad Vashem.

Une telle distinction, rendue possible grâce aux travaux approfondis de recherche menés par l’association Patrimoine et Histoire, nous rappelle également, si le besoin en était, l’importance du devoir de mémoire dans notre société aux yeux constamment tournés vers l’avenir, de plus en plus en proie à l’instantanéité. Il est indispensable de savoir d’où l’on vient pour aller de l’avant, ne rien occulter des erreurs et des horreurs, ne serait-ce que pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.

Je salue le rôle du tissu associatif à l’image de l’association Patrimoine et Histoire, qui, dans nos communes, œuvre à la transmission du souvenir, en étant constamment à la recherche d’épisodes historiques, parfois oubliés parfois méconnus, qui ont jalonné le passé communal. Et je tiens à féliciter tout particulièrement Monsieur Paul Gasnier, Vice-président de l’association, pour ses travaux de recherche qui nous ont conduits à cette cérémonie aujourd’hui.

Nous avons un devoir de mémoire, une mémoire universelle. Notre passé commun nous oblige à léguer aux générations qui nous suivent un Monde meilleur. La Seconde Guerre Mondiale a engendré le pire de nous-même, le racisme, l’antisémitisme, la Shoah. L’Humanité a manqué de plonger inexorablement dans le néant. Le début du 20ème siècle portait déjà les germes de ce mouvement au travers des nationalismes et des fanatismes. Des hommes et des femmes, des familles entières inquiétées, persécutées, au cœur des conflits ou des idéologies, contraintes de quitter leur foyer, de prendre la route avec l’espoir qu’un ailleurs saura les accueillir et qu’enfin les jours seront heureux.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Les nationalismes et les fanatismes idéologiques et religieux prospèrent de nouveau. Ils inquiètent, persécutent et tuent des hommes et des femmes, des familles dont la seule issue est la fuite vers un ailleurs qui saura les accueillir. Sachons recevoir ces personnes qui fuient la souffrance, la mort, ces réfugiés qui mettent parfois pour vivre leur vie en péril. Ils cherchent juste une lueur d’espoir.

Théodule, Marie, Madeleine et Yvette Guilbaud, sont cet espoir. Leur générosité est un modèle pour un monde plus fraternel car, comme l’écrivait Albert Cohen, nous sommes tous des Frères Humains.»

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