L’Assemblée nationale vote l’institution de funérailles républicaines (01/12/2016)
Le 30 novembre 2016, j’ai eu l’honneur de soutenir une proposition de loi qui institue des funérailles républicaines.
Je suis heureux du vote positif de l’Assemblée Nationale et je souhaite que le Sénat puisse en débattre très prochainement.
Vous trouverez ci-dessous le prononcé de mon intervention.
«Il est essentiel de s’attacher à promouvoir et à faire vivre les grands principes qui sont le socle de notre République, et de les traduire dans la vie quotidienne de tous nos concitoyens. Relisons la première phrase de l’article 1er de la Constitution de 1958 : «La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale».
«Laïque». Plus que jamais, ce mot a un sens, alors que l’on observe la présence de plus en plus affirmée du fait religieux dans l’espace public. Il signifie que l’État n’a pas à interférer dans les choix personnels, philosophiques ou religieux.
Bien évidemment, et bien avant la loi de 1905, la loi du 15 novembre 1887 a garanti la liberté de conscience en reconnaissant notamment la liberté de choisir le caractère civil ou religieux de ses funérailles. Mais cette reconnaissance des principes de liberté et de laïcité s’est-elle accompagnée du principe d’égalité dans l’organisation des obsèques? Non!
Selon qu’on opte pour une cérémonie religieuse ou non, selon que les services des pompes funèbres proposent ou non des salles de recueillement, selon les moyens dont on dispose pour financer les funérailles –assurées, dans la très grande majorité des cas, par des entreprises privées–, selon qu’on choisisse la crémation ou la sépulture, ou encore selon les habitudes ancrées dans les territoires, nos concitoyens ne sont pas égaux pour dire adieu à leurs défunts.
On assiste depuis des années à une évolution culturelle importante en matière de funérailles, le recours croissant à la crémation n’en étant que l’aspect le plus visible. Nos concitoyens aspirent à des obsèques plus économiques, j’allais dire plus démocratiques, dont le coût et les charges à venir ne reposent pas sur les proches. C’est dans cet esprit par exemple que vient d’être créé dans mon département de Loire-Atlantique, la première coopérative funéraire civile en France.
Nos concitoyens aspirent aussi à faciliter l’acceptation de l’absence, de la perte de l’être cher et la transmission de son souvenir. Ils veulent donner du sens, livrer des mots, entourer le mort et ses proches et exprimer les liens qui les unissaient de son vivant. Malheureusement, hors du contexte religieux, les lieux viennent à manquer pour ce simple temps d’humanité.
Nous avons tous des souvenirs amers d’obsèques difficiles, qui viennent s’ajouter à la tristesse du départ d’un proche ou d’un ami, simplement parce que ses choix philosophiques l’éloignaient d’un enterrement confessionnel.
Je repense à ce cortège funèbre d’un militant laïque qui, en pleine guerre scolaire au début des années 80, traverse le village jusqu’au cimetière sous les regards hostiles des habitants, la mairie ayant refusé le prêt d’une salle comme elle refusait l’École de la République.
Ainsi le rassemblement dans un coin à l’entrée du cimetière, dans le froid, sous la pluie ou en pleine canicule, pour évoquer la vie de celui qui part, l’amitié qu’on lui porte et l’absence que sa mort va provoquer. Faire le deuil de l’être cher est essentiel, à condition que ce deuil ne se fasse pas dans l’improvisation, la clandestinité ou sous le regard des autres.
«On part comme des chiens!», s’exclamait le père d’un ami qui avait fait le choix de funérailles civiles, dans son village, tout en sachant qu’aucun lieu, aucune salle –alors qu’il en existait– ne serait mise à disposition pour la cérémonie civile à laquelle il aspirait.
Face à ces images qui restent, à ces deuils suivis de regrets, voire de colère pour ceux qui n’ont pu dire au-revoir dans des conditions de dignité, le texte qui nous est soumis doit apporter de l’apaisement à des familles déjà bouleversées. Combien de familles se sont résignées à passer par l’église pour ne pas réduire la cérémonie funèbre à un rassemblement au cimetière?
Les non-croyants ont droit à autant de respect et de considération que les croyants.
Notre proposition de loi, déposée le 9 décembre 2014, n’impose ni de construire des salles, ni d’engager des travaux pour aménager celles qui existent. Seules les villes qui disposent d’une salle pouvant accueillir, de manière ponctuelle, ces cérémonies funéraires républicaines, sont concernées.
Tel était le sens des récentes préconisations de l’Association des Maires de France qui, dans son vade-mecum de la Laïcité publié il y a un an, invitait les maires, lorsque cela s’avère possible, à mettre à la disposition des familles qui en faisaient la demande une salle communale aux fins de célébrer des funérailles non religieuses. Cela ne présente donc aucun caractère contraignant.
Je crois pouvoir affirmer que notre proposition s’appuie sur nos principes républicains, qu’elle les renforce puisqu’ils servent ici un idéal humaniste, celui de la dignité. En adoptant cette proposition de loi, nous réaffirmons que l’État garantit la liberté de conscience, qui est un des fondements de la laïcité».
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Commentaires
Il n'est jamais trop tard de quitter de vieilles coutumes pour arriver à plus d'équité et d'égalité et respecter les croyances religieuses ou philosophiques de chacun..C'est difficile parfois mais nécessaire pour l'acceptation de tous
Écrit par : Pierre jJouannet | 02/12/2016
Merci à vous de cette initiative.
Écrit par : Cirla | 02/12/2016