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Trump contre l'Europe, la réponse de la France (19/01/2017)

QAG170117.jpgMardi 17 janvier, j'ai interrogé, lors de la séance des Questions au Gouvernement, le Premier ministre Bernard Cazeneuve, suite aux déclarations scandaleuses sur l’Europe du nouveau Président des États-Unis Donald Trump. Le chef du Gouvernement a adressé dans sa réponse un message fort au Président américain, celui des valeurs de l’Europe contre les populismes et de la réorientation du projet européen vers plus de solidarité.

Ci-dessous vous trouverez le texte de ma question, et la réponse qui m'a été apportée. En fin d'article, vous en trouverez l'extrait vidéo.
Bonne lecture.

«Monsieur le Premier ministre, le nouveau Président des États-Unis, Donald Trump, a récemment déclaré que l’Union européenne n’avait aucune valeur et que les États feraient mieux de la quitter. Il faudrait lui rappeler d’où vient l’Union européenne, lui rappeler que l’Europe est un territoire qui échange et se développe depuis des centaines d’années, que l’Union européenne est une construction qui nous protège de la guerre, qui développe notre économie et qui a porté haut la liberté, l’égalité et la fraternité.

Il ne s’agit pas d’être sourd aux reproches que l’on peut faire à l’Union européenne –tous, nous connaissons ses travers–, mais il faut rappeler à M. Trump que l’Union est la première puissance économique mondiale et que, sous l’impulsion de la France, elle s’est mobilisée pour protéger nos concitoyens, tant en matière de lutte antiterroriste qu’en assumant un rôle moteur pour garantir la préservation d’un socle européen de droits sociaux pour nos concitoyens.

Il n’y a pas de «sous-pays» au sein de l’Union européenne. Chaque pays possède un passé, une culture et des droits qui lui sont propres. Avec cela, nous sommes une puissance unie et c’est l’unité de ces pays qui fait la force de l’Union européenne. C’est unis que nous pouvons faire face, dialoguer et négocier avec les États-Unis. Voilà pourquoi nous avons toutes les raisons de continuer notre chemin ensemble.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous rappeler ce qui fait la force de l’Union européenne? Pouvez-vous nous dire quels sont les projets qu’elle porte pour chacun de nos concitoyens? Quel message comptez-vous transmettre au futur président américain pour qu’il respecte la France et l’Union Européenne?»


17 janvier 2017 Question à Bernard Cazeneuve... par michelmenard

Réponse du Premier ministre, Bernard Cazeneuve :

«Monsieur le député, lorsque l’essentiel est en jeu, c’est-à-dire la paix, la solidarité et le respect des principes de fraternité et de liberté auxquels nous tenons avec le peuple américain, il faut interroger l’histoire et dire à ceux qui s’expriment en puisant leur inspiration dans le populisme que ce qui inspirait les pères fondateurs de l’Union européenne, après que l’Europe se fut déchirée dans le totalitarisme et la guerre, c’était l’amour de ces valeurs que nous avons pu porter haut après la Seconde guerre mondiale, précisément parce que des milliers de soldats américains épris de liberté ont débarqué en Normandie, sur la terre de notre pays et de l’Europe, pour défendre avec nous ces valeurs éternelles, des valeurs d’une extrême force et qui, quels que soient les propos qui peuvent être tenus, parfois à l’emporte-pièce, nous lient au peuple américain de façon indestructible.

Je veux également rappeler qu’en raison du projet des pères fondateurs de l’Union européenne, perpétué par l’ensemble des dirigeants de celle-ci depuis maintenant plusieurs décennies, la meilleure réponse que nous devons apporter, la seule réponse, est celle du projet européen lui-même. Puisque nous sommes dans un monde instable et dangereux, que nous sommes tous confrontés à la menace du terrorisme, nous avons le devoir particulier, en Europe, d’être capables de défendre avec force notre continent, au nom des valeurs qui sont les nôtres et qui nous lient au peuple américain.

Cela veut dire qu’il faut une défense européenne, avec des moyens européens, des investissements européens et une capacité de projection européenne, qui rendra l’Union européenne et les peuples et nations qui la composent indépendants car c’est dans l’indépendance à l’égard des puissances que l’Europe peut affirmer ses principes, ses valeurs et son identité et poursuivre un dialogue équilibré avec des peuples amis.

Nous devons assurer aussi la protection de nos frontières extérieures, ce que nous avons engagé en faisant monter en puissance Frontex, en la dotant d’un budget de 250 millions d’euros, en créant les conditions d’un contrôle aux frontières extérieures de l’Union et en permettant l’interrogation du système d’information Schengen pour avoir la garantie que ceux qui entrent en Europe ne présentent pas un danger pour la sécurité du continent. Avec l’interconnexion des fichiers et la lutte contre les armes à feu, tout cela constitue un projet sur lequel la France et l’Allemagne ont avancé ensemble pendant ce quinquennat et qui a permis de modifier le code frontières Schengen, et plus particulièrement son article 7-2, pour permettre le contrôle de tous ceux qui franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne, y compris nos ressortissants.

Nous devons également être en situation de protéger notre modèle social européen. Lorsque des traités de libre-échange proposent d’instaurer, dans des filières européennes d’excellence, un véritable dumping social qui détruirait le modèle social, l’industrie et l’économie européens, nous devons être capables, à l’instar de ce qu’a fait notre pays sur le traité de libre-échange transatlantique –TAFTA–, de dire non, et ce y compris aux États-Unis, lorsque nous estimons que de tels traités créeraient des déséquilibres préjudiciables à l’intégrité de l’économie européenne et de son modèle social.

Nous devons aussi, monsieur le député, être capables de nous faire entendre à propos de la garantie jeunes, du salaire minimum européen et de la lutte contre le travail détaché, qui est un objectif prioritaire du Gouvernement, ce qui nous a permis de modifier la directive de 2014, d’engager maintenant avec puissance la modification de la directive de 1996 et d’engager des discussions législatives nationales pour lutter contre le travail détaché. Nous devons être capables de protéger notre modèle social et de le dire avec force.

La seule force du discours de l’Europe face au populisme, c’est de dire sa foi en son avenir, d’être capable de faire évoluer ses politiques pour plus de solidarité, plus de projets et plus d’investissements –c’est le sens du plan Juncker– et de répondre à ceux qui sombrent dans le populisme –dont témoignent certaines vociférations sur ces bancs– que l’Europe et les valeurs de la République sont plus fortes que les emportements d’un instant».

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