06/03/2009
Travail parlementaire : une réforme en trompe l’œil
C’est cette semaine qu’entraient donc en vigueur les articles de la révision constitutionnelle (votée cet été) venant modifier le cadre du travail parlementaire. La presse a finalement consacré quelques pages à cette réforme, exagérant très largement l’ampleur et les effets attendus de celle-ci : « Vème République bis », « habits neufs de la Constitution », « rééquilibrage des pouvoirs au profit du législatif »… Il convient donc (une nouvelle fois sur le sujet) de rétablir quelques vérités.
Les mesures les plus symboliques entrées en vigueur cette semaine - partage de l’ordre du jour, instauration d’une semaine de contrôle de l’action gouvernementale, égale répartition du temps de parole des groupes parlementaires lors des Questions au Gouvernement - sont en fait bâties en trompe l’œil et ne constituent des progrès… qu’en apparence. Prenons le partage du temps de parole entre majorité et opposition lors de la traditionnelle séance des questions au Gouvernement. Nous n’étions pas réellement demandeurs d’une telle évolution ou plus exactement nous attendions surtout l’instauration d’un “droit de suite” qui permette à un parlementaire de reprendre la parole après l’intervention du Ministre interrogé, s’il estime ses propos trop imprécis ou éloignés du sujet, ce qui arrive malheureusement trop souvent. La séance des questions d’actualité va demeurer ce qu’elle était hier, une succession de monologues couplés deux à deux (plus courts et plus nombreux du fait des nouvelles règles en vigueur) qui ne peut permettre un réel contrôle de l’action du Gouvernement.
Quant au partage de l’ordre du jour (le Parlement récupérant, dans les textes, la maîtrise d’une moitié de l’ordre du jour), on peut s’interroger sur l’intérêt pour l’opposition de présenter un plus grand nombre de propositions de loi quand la majorité refuse systématiquement d’en examiner les articles. De même, est-ce un réel changement de voir des projets de loi du Gouvernement devenir des propositions de loi du Groupe UMP ? Plus concrètement peut-être, on remarquera que le Gouvernement a déjà trouvé le moyen de conserver en mars la mainmise sur la quasi-totalité du temps législatif. Comme la Constitution l’y autorise, il va imposer aux députés de discuter du projet de loi de finances rectificatif et du projet de loi organique sur la réforme du travail législatif sur les deux semaines qui leur sont désormais imparties… Disons que le partage de l’ordre du jour, ce n’est pas encore pour ce mois ci…
Enfin, et surtout, l’enjeu central de cette réforme du travail parlementaire réside en fait dans plusieurs autres dispositions constitutionnelles non encore entrées en vigueur et qui pourraient constituer un énorme recul pour les droits du Parlement, à savoir l’étranglement du droit d’amendement et du temps de parole de l’opposition. Le bras de fer entamé avec la Majorité sur ce point est toujours en cours.